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Avis sur le projet de décret modifiant les statuts de Voies navigables de France
Sollicité par le Ministère des transports, le conseil d'administration, à l'occasion de sa séance du 8 mars 2012, a rendu l'avis suivant sur le projet de décret modifiant le décret portant statut de Voies navigables de France :
Suite à la présentation du projet réalisée par Mme Fabienne Trombert, chef du bureau des Voies navigables au Ministère de l’Ecologie, du développement durable, des transports et du logement, la CNBA rend l’avis suivant sur le projet de décret modifiant le décret n°60-1441 du 26 décembre 1960 portant statut de Voies navigables de France.
Article 1 du projet de décret :
Le conseil d’administration de la CNBA attire l’attention sur la rédaction de l’article relatif à la mission de « promotion des voies navigables » (3°), qui ne semble pas assez précise.
Actuellement, dans un certain nombre de cas, Voies navigables de France, en vue de développer l’utilisation des voies navigables, démarche des clients potentiels de la voie d’eau et joue le rôle d’intermédiaire entre transporteurs et clients.
Par ailleurs, le fait qu’un certain nombre de salariés de l’établissement VNF soient issus du privé, et notamment de métiers liés à la logistique, contribue à créer une certaine confusion entre la mission de service public confiée à l’établissement et une activité qui s’apparente plutôt au développement commercial des entreprises en recherche d’offre ou de demande de transport.
Le conseil d’administration de la CNBA estime que cette dernière activité n’est pas conforme à la mission de Voies navigables de France, qui consiste avant tout à mettre à disposition des usagers un réseau correctement entretenu, moderne et toujours plus performant. Le développement de l’offre et de la demande n’est pas du ressort de VNF.
De ce fait, le conseil d’administration de la CNBA demande une nouvelle rédaction du « 3° ». La proposition de la CNBA est la suivante :
« 3° La promotion des voies navigables comprend la diffusion au public des informations relatives à l’intérêt présenté par la voie d’eau, au bon état du réseau, aux progrès réalisés en termes d’exploitation et aux projets de développement en cours. »
Article 3 du projet de décret :
Cet article prévoit quelques modifications à la constitution du conseil d’administration de VNF.
Actuellement, le décret en vigueur prévoit que font partie du conseil d’administration « Huit personnalités nommées par arrêté du ministre chargé des transports dont […] une proposée par la Chambre nationale de la batellerie artisanale ».
Avec environ 750 entreprises artisanales, dont beaucoup interviennent en sous-traitance dees grands armements, la Chambre nationale de la batellerie artisanale constitue un acteur représentatif majeur du transport fluvial. Elle estime qu’un seul représentant de l’artisanat batelier au conseil d’administration de VNF n’est pas suffisant. Elle propose donc que le nombre actuel de représentants de l’artisanat batelier soit porté de un à deux.
La CNBA demande donc à ce que les mots « huit personnalités » soient remplacés non pas par « neuf personnalités » mais par « dix personnalités dont […] deux proposées par la Chambre nationale de la batellerie artisanale. »
Article 12 du projet de décret :
Plusieurs remarques sont formulées par la CNBA au sujet de cet article.
En premier lieu, cet article se fonde sur l’article L4272-1 du Code des transports, qui prévoit que « sont chargés de constater les infractions définies par les chapitres III et IV et par les règlements concernant les bateaux, outre les officiers et agents de police judiciaire, les fonctionnaires et agents relevant du ministre chargé des transports, assermentés et commissionnés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. » L’article L4272-1 concerne donc les fonctionnaires et agents relevant du ministre chargé des transports et non les personnels de VNF. Il semblerait donc plus adapté de fonder l’article 12 sur le nouvel article L4272-2 créé par la loi du 24 janvier 2012 relative à Voies navigables de France, qui s’applique aux personnels de l’établissement public (« les infractions définies par les règlements de police de la navigation intérieure peuvent être constatées par les personnels de Voies navigables de France commissionnés et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »).
En deuxième lieu, la Chambre nationale de la batellerie artisanale tient à rappeler, comme elle a eu l’occasion de le faire lors des auditions qui se sont déroulées dans le cadre des travaux préparatoires à l’adoption de la loi relative à Voies navigables de France précitée, son opposition à ce que des personnels de l’établissement VNF puissent constater les infractions définies par les règlements de police de la navigation intérieure. Pour la CNBA, il n’est pas souhaitable que les personnels en charge de l’exploitation et de l’entretien du réseau exercent en parallèle des missions de constat des infractions. La qualité de la relation entre exploitants et usagers, essentielle pour le bon usage de la voie d’eau, est affaiblie lorsque les exploitants exercent par ailleurs des missions de ce type, en particulier dans un contexte où les services d’exploitation et d’entretien mis en œuvre par les personnels de l’établissement sont très souvent perçus comme insuffisants. Par ailleurs, le gestionnaire du réseau étant jusqu’à présent en mesure d’édicter des règles particulières (interruption de la navigation, modification des conditions de franchissement des ouvrages, modifier les limites de vitesse autorisées…), le fait de lui confier le pouvoir de constater les infractions le conduit à être à la fois juge et partie : il définit les règles et constate les infractions. La CNBA s’oppose donc au principe de l’assermentation.
En troisième lieu, dans le cas où des assermentations de personnels de VNF auraient quand même lieu, la CNBA demande à ce que la liste des infractions qui ne peuvent pas être constatées par les personnels de Voies navigables de France soit complétée par les infractions suivantes :
- L’effectif de l’équipage inférieur au minimum prescrit par la règlementation ;
- L’enfoncement supérieur au maximum autorisé ;
- Les équipements et matériels ne satisfaisant pas aux prescriptions en vigueur.
S’agissant des règles relatives à l’effectif minimum autorisé pour l’équipage, le gestionnaire des voies navigables est particulièrement mal placé pour les faire respecter. Les transporteurs sont en effet parfois contraints dans les faits à ne pas respecter ces règles, notamment lors du débarquement des véhicules : celui-ci a lieu à un endroit disponible, le stationnement ayant lieu à un autre endroit disponible, les deux emplacements étant souvent distants l’un de l’autre. Nous soulignons la difficulté pour le gestionnaire de la voie d’eau d’être chargé de faire respecter des règles dont la mise en œuvre est rendue difficile par l’insuffisance des investissements consentis ou l’inadéquation des travaux réalisés en matière de stationnements.
Concernant les règles relatives à l’enfoncement maximal autorisé, le gestionnaire du réseau ne paraît pas non plus être l’organisme le mieux placé pour en contrôler le respect, les personnels ne disposant pas d’une qualification de jaugeage.
Enfin, s’agissant des équipements et matériels ne satisfaisant pas aux prescriptions en vigueur, la CNBA considère qu’il n’est pas utile que le gestionnaire de la voie d’eau soit en mesure d’effectuer des contrôles de cette nature. Les transporteurs sont tenus de renouveler leurs titres de navigations tous les cinq ans. Ces mêmes transporteurs sont régulièrement contrôlés par les services de police, la gendarmerie ou les centres instructeurs. Il s’agit de services rompus aux règlements internationaux. Il ne nous paraît donc pas nécessaire de multiplier les acteurs chargés de ces contrôles réclamant une connaissance précise de règlements particulièrement complexes.
En quatrième lieu, également dans le cas où malgré l’opposition de la CNBA des personnels de VNF seraient assermentés, la CNBA demande à ce que l’assermentation ne soit possible que suite à une formation sanctionnée par un examen. L’article 12 pourrait donc être complété ainsi :
Texte actuel : « Les personnels commissionnés par le directeur général de Voies navigables de France ne peuvent entre en fonction qu’après avoir prêté serment devant le tribunal de grande instance de leur résidence administrative. »
Texte proposé : « Les personnels commissionnés par le directeur général de Voies navigables de France ne peuvent entrer en fonction qu’après avoir prêté serment devant le tribunal de grande instance de leur résidence administrative et avoir suivi une formation sanctionnée par un examen dont les conditions sont fixées par arrêté. »
Le 12 mars 2012
Le Président de la Chambre Nationale de la Batellerie Artisanale
Michel DOURLENT